Le complot des théoriciens du complot


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Le 5 févier dernier, sur France 5, Caroline Fourest, qui s’est notamment fait connaître pour ses «investigations» dans des cercles religieux intégristes et extrémistes, diffusait un documentaire sur un sujet qui a fait, et fait toujours couler beaucoup d’encre. Elle intègre des réseaux de la théorie du complot afin de tenter de démystifier cette tendance qui séduit de plus en plus d’adeptes.

En somme, elle dépeint ces réseaux de façon caricaturale, les faisant passer pour des illuminés. Elle discrédite leurs propos de façon condescendante et les dit obnubilés par le «pacte américano-sioniste». Fidèle à sa ligne de pensée, Fourest ne manquera pas d’y impliquer l’Islam. De plus, elle développe des attaques personnelles à l’endroit  des «théoriciens du complot» et multiplie les erreurs factuelles comme lorsqu’elle affirme que «Bush a perdu face à un Obama hostile […]»alors qu’en vérité, Bush ayant accompli deux mandats, il ne lui était plus possible de se représenter …

Paradoxalement, elle traite ce sujet sous un angle franchement complotiste. On la sent prête à tout pour étayer son argumentaire quitte à tronquer et à sortir de leur contexte des citations ou à carrément manipuler les faits. Elle fait des liens fallacieux qui servent à expliquer son «complot du complot».

Il est vrai qu’il faut éviter de sombrer dans l’approche conspirationniste de l’Histoire, au terme de laquelle chaque évènement est perçu comme étant forcément fomenté par des agences gouvernementales et extra gouvernementales (CIA, NSA, MI6, entre autres). Il ne faut pas non plus se laisser aller à cette candeur qui caractérise les idéalistes et empêche de saisir la complexité et les enjeux qui sous-tendent ces occurrences.

L’influence et la prépondérance des intérêts géostratégiques et financiers en matière de relations internationales sont indéniables. Il serait totalement inapproprié de les occulter. Pourtant, on ne peut réduire cela à cette simplification erronée qui fait des États-Unis les instigateurs de tous les phénomènes, expression d’une totale omnipotence à laquelle il serait inadéquat de souscrire puisqu’ elle est tempérée par d’autres facteurs et atténuée par des oppositions et résistances locales et régionales

Aussi, des mouvements populaires totalement dénués de ligne idéologique claire au départ, à l’instar du mouvement des indignés ou du Printemps arabe, ne sont pas à l’abri de l’instrumentalisation que peuvent en faire certains groupes, États ou agences afin de sauvegarder les intérêts qui leur siéent.

Cela étant dit, il n’en demeure pas moins qu’il est pertinent  de se questionner à propos de l’Histoire et des évènements qui la jalonnent, sans qu’on soit, pour autant, adepte de la théorie du complot. Il s’avère même impératif d’être critique face aux informations qu’on nous présente et de ne pas systématiquement leur donner crédit. Nos gouvernements se doivent de nous rendre compte de leurs actes et en ce sens la transparence s’avère une condition sine qua non.

Les mensonges et manipulations en politique sont un fait avéré et lorsqu’on est en face de phénomènes d’une envergure manifeste, il serait tout à fait absurde de ne pas tenir compte de cette réalité. Il est illogique de croire que les États occidentaux (Canada, États-Unis et l’Europe) restent volontairement en marge en ne tentant pas de faire valoir leurs intérêts. Ça s’avère d’autant plus vrai sachant que les pays du BRICA sont de plus en plus présents sur la scène internationale et déplacent- étendent plutôt- les centres du pouvoir.

N’en déplaise à Caroline Fourest, certaines actions stratégiques de puissances occidentales qui touchent  à la  stabilité de pays considérés comme hostiles, ou qui sont même attentatoires aux équilibres régionaux, sont justifiées par des «contre-vérités». L’exemple le plus édifiant en est la brillante démonstration du Secrétaire d’État des Usa, Colin Powell, au Conseil de Sécurité en 2003 et qui visait, avec forces documents et photos satellitaires (tous faux) à démontrer que l’Irak possédait des ADM et qu’il constituait un danger réel pour la paix et la sécurité mondiales.

Il ne s’agit pas là d’une vision conspirationniste, plutôt d’un constat réaliste de ce monde de plus en plus complexe à mesure que se poursuit l’inexorable avancée de la mondialisation qui serait aussi, selon certains, la finalité de cette «élite occulte».

Toutefois, il faut admettre que les théoriciens du complot pèchent par leur vision manichéenne où tout ce qu’ils affirment- ou tout ce qu’ils ne peuvent infirmer- est nécessairement l’œuvre d’un «agent extérieur». Il découle de cela une totale négation du pouvoir de la volonté des peuples à prendre en main leur avenir; ceux-ci ne seraient que les sujets passifs d’une Histoire qu’ils ne peuvent plus façonner à leur guise tant l’emprise de ces «acteurs de l’ombre» est importante.

Si réellement complot il y a, c’est celui de vouloir faire croire qu’il est inenvisageable pour les peuples de pallier les lacunes passées en corrigeant leur futur.

Il est nécessaire d’aller plus loin que cette approche binaire, et de faire ressortir les preuves factuelles qui, elles seules, permettent de faire la lumière sur les évènements; la vérité se trouvant quelque part entre ces deux visions antipodales.