La charte des valeurs, cette supercherie du Parti Québécois

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Avant même qu’il ne soit dévoilé au public, le projet de «charte des valeurs québécoises» que le Parti Québécois tient à mettre en place, avait suscité des débats passionnés, à travers les médias et sur les réseaux sociaux, allant parfois jusqu’à l’affrontement verbal. Bien que Pauline Marois et les partisans de cette charte, pris de court par les fuites mises à jour dans le Journal de Montréal et qui avaient aussitôt enflammé les débats, aient invité les citoyens à attendre le dépôt officiel de celle-ci avant de se prononcer, il s’avère que les grandes lignes en demeurent inchangées.

L’interdiction des signes religieux ostentatoires pour tous les employés de l’appareil étatique québécois d’une part et la réaffirmation, d’autre part, du caractère patrimonial et historique de la religion catholique – lui octroyant ainsi de facto un statut particulier et la mettant , par le fait même, à l’abri des prohibitions introduites par cette charte – ainsi que la volonté d’empêcher que des personnes au visage couvert puissent jouir ou offrir des services dispensés par l’État, restent tels quels.

Retour sur les prémices de cette charte.

Bien qu’instaurer une charte régissant la laïcité au Québec figure dans les plans du Parti Québécois depuis belle lurette, c’est lors de la campagne électorale de 2012, que Pauline Marois a fait du projet de mettre sur pied une charte de la laïcité un engagement électoral formel. Elle avait, pour ce faire, mandaté Djemila Benhabib de la promouvoir. Le fait que cette dernière ait été encensée partout dans les médias pour son «militantisme contre le fondamentalisme musulman» faisait d’elle la personne toute désignée : elle jouissait d’un capital de sympathie important, et ses attaques perpétuelles envers l’islam (d’où ses ouvrages «Ma vie à contre-Coran» et «les soldats d’Allah à l’assaut de l’Occident») et «ces idiots utiles» qui refusent de voir dans chaque musulman le mal incarné, étaient accueillies avec enthousiasme par les partisans de la thèse du choc des civilisations. Cependant, l’affaire tourna au vinaigre lorsque  Djemila Benhabib précisa – Ô sacrilège – être contre le maintien du crucifix à l’Assemblée Nationale si l’on voulait instaurer une telle charte, ne serait-ce que par souci de cohérence.

Tout de suite, la controverse éclata et c’est le maire de Saguenay, Jean Tremblay, qui a cristallisé par ses propos la nature exacte de ce malaise: «C’est de voir qu’il arrive [sic] une personne – je ne suis même pas capable de prononcer son nom, d’Algérie, qui ne connaît pas notre culture, mais c’est elle qui va dicter les règles». Djemila Benhabib était allé trop loin. Elle avait outrepassé la ligne rouge. C’était pour ses diatribes incendiaires envers l’islam et les musulmans qu’on l’aimait. Elle devait se rétracter et s’en tenir à ses boucs émissaires habituels.

En effet, pour être viable aux yeux de la majorité québécoise francophone, le projet du gouvernement du Parti Québécois devait servir à cibler «l’Autre» en épargnant le québécois «de souche». Il fallait que la laïcité à la sauce «maroisienne» consacre les passe-droits dont disposerait la religion catholique si une telle législation était mise en place. Il fallait combattre la présence de caissières voilées à la SAAQ tout en évitant l’épineux dossier du crucifix à l’Assemblée Nationale. Pour cela, rien de plus simple. Un simple tour de passe-passe sémantique et c’était joué : il suffisait d’occulter le caractère religieux de l’iconographie catholique en mettant en relief, avec virulence et obstination, son caractère «patrimonial et culturel». D’une certaine manière, on procède ainsi à la «laïcisation», à la sécularisation d’une religion. Son symbolisme finit par apparaître, pour certains, comme totalement expurgé de sa portée religieuse.

Mais, et la question mérite d’être posée à tous ces laïcards malhonnêtes, lesquels s’offusquent à la vue d’un voile mais se taisent piteusement sur la présence d’un crucifix trônant au-dessus de la tête de nos élus, comment distingue-t-on une croix «laïque» d’une croix «religieuse»?

Après la défaite de Benhabib à Trois-Rivières et la victoire en demi-teinte et arrachée in extremis par le PQ aux dernières élections, Pauline Marois et son équipe se remirent à plancher sur ce projet de charte en y apportant les correctifs nécessaires afin de s’assurer que soient contentés ceux qui craignent le phénomène «d’islamisation rampante de nos sociétés» tout en ne froissant pas la frange de la population qui se complaît dans un nationalisme identitaire.

C’est alors qu’une solution qui paraissait ingénieuse fut mise de l’avant par les stratèges du PQ. Afin d’éviter de sembler incohérent en présentant une «charte de la laïcité» qui, dans son application, va à l’encontre même du principe de laïcité, il suffisait de troquer le terme «laïcité» par celui de «valeurs». Ainsi, on signifie à la population que sous une telle législation, le voile d’une éducatrice en garderie ou d’une préposée de la S.A.A.Q constituerait une menace à la laïcité et à la neutralité de l’État alors qu’une prière durant une assemblée municipale serait quant à elle conforme à «nos valeurs»…

L’«Autre»: éternel ennemi.

À défaut de se doter d’une politique claire, structurée et viable permettant de faire réellement avancer le projet d’indépendance, le Parti Québécois se lance dans une stratégie populiste que ne désavoueraient certainement pas les partis de droite et d’extrême droite qui y recourent habituellement. Il prend à partie cet «Autre», ce «Eux», et investit sur un thème dont il sait  qu’il pourrait polariser l’opinion publique. Il s’attaque à ceux dont l’intégration progresse, non sans heurts, mais plus paisiblement que ne le laissent entendre certains démagogues. Avec ceux-là, aucune chance de se tromper.

Le procédé a beau être éculé, mesquin et malhabile, il est, cependant, toujours aussi efficace à court terme, notamment en période de difficultés économiques : fabriquer une crise de toutes pièces tout en y apportant la solution qui nous sied. Pour cela, il s’agit d’occulter l’essence des véritables problématiques qui se posent aux nouveaux arrivants : précarité, freins à l’emploi, discrimination, chômage, etc. On assure à la population que l’interdiction des signes religieux constitue une panacée, et qu’en se dotant d’une telle législation tous les problèmes d’intégration- qui sont quasi-inexistants, ici, comparativement à ceux rencontrés dans d’autres pays comme la France- disparaîtraient comme par enchantement.

Ce projet péquiste n’est rien d’autre qu’une basse manœuvre électoraliste,  une stratégie de diversion visant à distraire la population des véritables enjeux sociaux de façon à ce qu’on ne fasse pas grand cas des innombrables et lamentables insuccès de ce parti depuis son élection, il y a de cela un an. Ce projet est spécieux puisque constitué en partie d’un rappel de concepts déjà solidement enchâssés dans les législations Canadienne et Québécoise – l’égalité homme-femme, la neutralité de l’État – et assorti d’interdits qui contreviennent tant au plan interne, aux chartes canadienne et québécoise des droits et libertés qu’au plan international, à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

La France, un exemple?

Pour défendre son projet, Pauline Marois a tenu à citer en exemple la France, rappelant que ce pays avait adopté des législations similaires qui ont favorisé l’intégration des communautés immigrées. Il semble donc, et  bien que ce pays ait une conjoncture sociale aux antipodes de la nôtre, que la France constitue, pour la Première Ministre du Québec, un modèle de référence. Ceci nous pousse à croire qu’elle est dans une méconnaissance totale des problèmes d’intégration que la France éprouve depuis des années. Il n’est pas certain que les québécois, qu’ils soient pour ou contre ce projet de charte, soient enclins à accepter que «le modèle français», avec ce qu’il comporte de violence dans les banlieues, de mal-être et de fracture sociale, soit transposé ici, dans notre province paisible du Québec.


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