Israël : après le mur, la ségrégation dans les autobus.


Image

 (Photo par Stig Nygaard)

Commençons par clarifier un point afin d’éviter ce débat inepte et infécond qui consiste à assimiler toute critique des politiques du gouvernement israélien à de l’antisémitisme. Cette tendance est mise en œuvre de manière à éluder toute discussion sur le sujet : on pourrait appeler cela du véritable terrorisme intellectuel. Un point sur lequel tout le monde doit s’entendre : l’antisémitisme est à condamner absolument et est injustifiable pour tout humaniste. De la même façon, il est nécessaire d’être conséquent et, au nom de ce même humanisme et de la liberté d’expression, de s’insurger contre toute dérive autoritaire de l’État d’Israël.

La nouvelle fait écho à travers la planète : Israël crée une ligne d’autocars strictement réservé aux travailleurs palestiniens. Une pratique qu’on n’avait plus observée depuis la fin de l’Apartheid sud-africain en 1994…

Selon la compagnie Afikim qui gère cette ligne «le plan vise à faciliter le déplacement des passagers palestiniens et à leur offrir une solution face aux compagnies de bus pirates, qui leur soutirent des prix exorbitants». De la même manière, on apprend, de source ministérielle, que cela «vise aussi à désencombrer un réseau devenu surchargé pour les utilisateurs juifs» et à «réduire la charge qui s’est formée sur le réseau de bus, résultat de l’augmentation du nombre de permis de travail accordés aux Palestiniens».

Si la volonté de désengorger le réseau d’autobus est réellement ce qui motive cette décision, pourquoi ne pas ajouter plus de véhicules tout simplement? Pourquoi en ajouter qui seraient exclusifs à certains, en quoi cela serait-il plus efficace? Visiblement, il s’agit plutôt de mettre du cosmétique sur un projet que d’aucuns n’hésiteraient pas à qualifier d’abomination afin d’en tirer indûment crédit.

On évoque aussi, bien évidemment, le risque sécuritaire : des attentats perpétrés antérieurement par des Palestiniens justifieraient que l’on recoure à la ségrégation. Mais la peur de l’altérité, de sa dangerosité, de sa «barbarie» : n’est-ce pas là ce qui a légitimé, par exemple, le régime sud-africain d’apartheid de triste mémoire? N’a-t-on pas invoqué le fait que les noirs, s’ils étaient libres et égaux en droits, procéderaient à l’élimination des individus de race blanche?

Les faits s’accumulent et il s’avère que le vernis de «la seule démocratie du Moyen-Orient» s’écaille de plus en plus.

On pousse l’audace jusqu’à présenter ce nouveau projet israélien comme un bienfait pour la population palestinienne, mais la nouvelle d’un transport collectif ségrégationniste n’est pas le plus récent des manquements du gouvernement israélien au droit international – et a fortiori à l’humanisme.

En effet, on a appris par l’entremise d’un rapport de l’UNICEF daté du 05 mars 2013, que les enfants Palestiniens sont victimes de «mauvais traitement systématique» de leur arrestation jusqu’à leur incarcération dans les geôles israéliennes. Jean-Nicolas Beuze, conseiller régional de l’UNICEF mentionne qu’«Israël est le seul endroit au monde où un enfant arrêté est systématiquement traduit devant un tribunal militaire. Cela n’existe dans d’autres pays qu’à titre d’exception».

La construction du mur de séparation en Cisjordanie, que d’aucuns qualifiaient de « mur de l’Apartheid», l’inexorable poursuite de la colonisation, les «frappes chirurgicales» menées en plein cœur de quartiers résidentiels,  est-ce digne d’une démocratie?

Le suffrage universel suffit-il à définir une démocratie? N’est-on pas tenu, si l’on se réclame de cet héritage, de respecter les conventions internationales qui régissent les relations avec les minorités? Albert Camus disait «La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité».

Ce qui est sidérant, ce n’est pas tant les actions que commet le gouvernement israélien, que la perception qu’en ont les gouvernements et médias occidentaux. Qu’un pays déroge aux conventions internationales, cela n’a rien de nouveau et est très répandu (Chine, Corée du Nord, Arabie Saoudite, entre autres). Pourtant aucun de ces derniers n’est considéré comme démocratique et ne jouit de l’impunité dont Israël est bénéficiaire.

Les gouvernements israéliens tendent à se radicaliser à mesure que le temps passe, mais malgré de ponctuelles velléités de remontrances de la communauté internationale, rien n’est réellement accompli afin de l’obliger à en arriver à une véritable solution de paix avec les Palestiniens.

Les forces en présence sont si disproportionnées que la solution «de l’intérieur»  préconisé par les chantres de la médiation ne se révèle qu’un prétexte afin de gagner du temps. Pendant qu’a lieu ce débat stérile et empreint de mauvaise foi, ce sont des vies, des deux côtés qui se brisent…